À plus ou moins long terme, une PME en quête de croissance devra réaliser des acquisitions. Mais 50 à 70% des acquisitions ne répondent pas aux attentes des acheteurs.
Lorsque la transaction est conclue, une véritable stratégie d’intégration doit être établie pour éviter tout ralentissement de croissance ou désengagement des collaborateurs, responsables de 30% des coûts cachés des fusions-acquisitions. Il faut rassurer les salariés et mettre en place les synergies, avec des objectifs financiers, opérationnels et organisationnels.
Les hommes, acteurs du changement, sont clés
Avant la finalisation de l’opération, il n’est pas toujours évident d’avoir accès aux informations concernant les collaborateurs. Lorsque cela est possible, il est primordial de comprendre le rôle de chacun dans l’entreprise, sa fonction et son importance au quotidien. Il faut découvrir et comprendre les processus et l’organisation mis en place. À un niveau purement humain, il est indispensable d’identifier les hommes et les femmes clés de l’entreprise, mais également toutes les personnes motivées par le projet d’acquisition. Ces collaborateurs seront un sérieux atout pour que l’acquisition soit un succès. Les ententes et divergences au sein de l’entreprise achetée sont aussi à prendre en compte afin d’appréhender les motivations de chacun.
Les acquisitions montrent à quel point chaque entreprise est différente : organisation, état d’esprit, valeurs, ambiance de travail… L’une des plus grandes difficultés pour les collaborateurs est de s’adapter à ce nouveau cadre de travail. Il faut amener les nouveaux collaborateurs à prendre part dans cet ensemble qu’ils ne connaissent pas encore, en créant notamment un consensus à partir des différences de chacun. Réciproquement, les collaborateurs de l’entreprise acheteuse doivent également appréhender ces changements. Il s’agit de la rencontre de personnes qui se côtoient pour la première fois et n’ont pas d’autre choix que d’avancer ensemble.
Alors que les tenants et les aboutissants doivent, au moins dans un premier temps, être gardés secrets, les collaborateurs ont néanmoins besoin d’être tenus informés, sous peine d’être stressés donc improductifs. Les équipes en place redoutent généralement que la direction leur cache des informations essentielles. Cela peut avoir des conséquences sur leur moral, mais aussi sur leur motivation. Si certains éléments ne peuvent leur être dévoilés, le dirigeant doit cependant leur donner un minimum d’informations, les rassurer, leur faire sentir qu’elles peuvent s’appuyer sur lui.
Les salariés de l’entreprise cible peuvent voir l’acquisition comme une défaite personnelle et collective. Ils se sentent abandonnés, inquiets face à l’inconnu. De leur côté, les collaborateurs de l’entreprise absorbante peuvent remettre en cause le bien-fondé de l’opération et choisir de ne pas faciliter l’intégration des arrivants, vis-à-vis desquels ils auront tendance à éprouver un sentiment de supériorité. Au dirigeant d’organiser la politique d’intégration comme une véritable politique d’accompagnement, en précisant les modalités de consultation et d’association des acteurs concernés afin d’apaiser les peurs et la défiance ou, au contraire, freiner les ardeurs de ceux qui voient l’occasion d’agrandir leur territoire. Le rôle du dirigeant consiste à détecter le plus rapidement possible les personnes positives et motivées par ce nouveau projet et s’en entourer pour conduire le changement avec succès. Il doit donc faire connaissance rapidement et efficacement avec ses nouveaux interlocuteurs, afin de poser les bases de leurs futures relations professionnelles.
L’intensité de l’intégration varie en fonction de la stratégie d’acquisition. A chaque type d’intégration, ses facteurs clés de succès
Une fois l’acquisition finalisée, vient la phase d’intégration des activités. 3 cas de figure se présentent alors, en fonction de la stratégie d’acquisition :
- L’intégration d’une société venant diversifier l’activité ;
- L’intégration d’une société de même activité ;
- L’intégration d’une société venant régénérer une activité.
Dans le cas de l’intégration d’une société venant diversifier l’activité de l’acquéreur, la phase d’intégration ne repose pas sur des interdépendances fortes entre l’acquéreur et la cible, compte tenu des objectifs de l’opération (achat de marques, politique de diversification, entrée sur un nouveau marché). L’intervention de l’entreprise acheteuse est généralement modeste, bien que décisive. L’acquéreur doit éviter toute forme d’ingérence, tout en s’attachant à insuffler une ambition et à fournir les moyens nécessaires au développement de la société acquise. L’acheteur fait avant tout le pari d’aider au développement d’une entité à fort potentiel, en lui accordant une autonomie forte et des ressources utiles pour réaliser ses objectifs. L’acquéreur se comporte donc essentiellement comme un actionnaire. Les conditions d’une intégration réussie consistent alors à :
- Protéger la structure de l’entité acquise et le périmètre de ses activités, et empêcher les dirigeants d’imposer à la société acquise leur style de management. Le défi consiste ici à assurer une forte autonomie de gestion à l’entité achetée, en évitant de toucher à sa mission et aux facteurs susceptibles de consolider son développement, comme sa culture, son mode d’organisation ou ses compétences.
- Fournir à l’entreprise acquise les fonds et savoir-faire nécessaires à son expansion : comme toute société en développement, la cible qui est susceptible de croître rapidement, doit disposer, lorsque le cycle de croissance le demande, de ressources lui permettant de répondre au mieux aux coûts souvent importants de recherche et développement. La difficulté réside ici dans le dosage.
- Identifier les compétences managériales ou relationnelles pouvant favoriser des échanges entre les deux entités : même si les métiers des deux sociétés sont généralement distincts, il n’est pas exclu d’envisager entre elles certains transferts de ressources.
Ce type d’intégration demande du temps et une capacité à soutenir l’activité de l’entité acquise, sans pour autant influencer sa vision et sa stratégie.
Dans le cas de l’acquisition d’une société de même activité, l’intégration se concentre sur une rationalisation initiée par l’acquéreur, qui réorganise le nouvel ensemble. Il configure la stratégie du Groupe (partage des ressources) et structure la répartition des rôles. L’intégration est mise en œuvre immédiatement, en raison de la similarité des activités et de l’existence de doublons qui vont dans le sens d’une rationalisation des processus. Cette situation concourt à faire disparaître de manière plus ou moins visible l’identité de la cible qui voit son organisation profondément modifiée. Ce type de configuration peut favoriser les risques d’arrogance managériale, avec un fort clivage entre les vainqueurs (l’acheteur) et les vaincus (l’entité achetée). Pour réussir ce type d’intégration, il convient de :
- Procéder à un plan d’intégration précis et détaillé : le principal avantage de ce mode d’intégration réside dans la possibilité de pouvoir fixer les objectifs opérationnels du regroupement. Le cadre général du nouvel ensemble peut être défini assez rapidement, en mettant en avant la nouvelle structure, la répartition des effectifs, le partage des ressources ainsi que la réorganisation des systèmes et processus existants.
- Affirmer la vision du nouveau Groupe en faisant état d’une cohérence globale : parallèlement à la définition du programme d’intégration, il convient de donner un maximum de lisibilité. Le fait de disposer d’un calendrier précis permet de communiquer davantage sur les perspectives de croissance et de développement, notamment en ce qui concerne le chiffre d’affaires et les parts de marchés consolidés après acquisition.
- Mener une politique de rationalisation judicieuse : le succès de l’intégration passe par une hiérarchisation des priorités, la suppression des zones de recouvrement et le réexamen sérieux des niveaux d’encadrement.
- Gérer efficacement les conflits potentiels : face à la rapidité de la mise en œuvre, il convient pour le dirigeant de bien cerner les problèmes humains posés par le rapprochement, en s’attachant à rassurer le plus grand nombre.
- Eviter de supprimer certains atouts de l’entité acquise : l’intégration ne doit pas faire perdre de vue l’intérêt pour l’acquéreur de trouver chez la cible certaines pratiques efficientes qu’il convient de conserver, voire même de promouvoir.
L’intégration par rationalisation présente l’avantage de pouvoir agir à court terme et donc de produire des résultats rapidement. Le principal risque à éviter est la confusion entre la domination aveugle et la rigueur nécessaire au maintien de la cohérence stratégique du Groupe. A trop vouloir uniformiser, l’acquéreur peut empêcher toute forme d’initiative et détruire certains atouts cachés de l’entité acquise.
Dans le cas de l’intégration d’une société venant régénérer une activité ou l’innover (création de nouvelles capacités n’existant pas encore sur le marché), il est souvent difficile d’adopter un comportement managérial « type ». Les objectifs ne peuvent pas être définis au préalable. Une certaine part d’imprévu et de créativité peuvent s’avérer nécessaires pour laisser place à l’émergent. Cette démarche intervient généralement dans des secteurs parvenus à maturité (régénération) ou en mutation rapide (innovation stratégique). Les acquisitions d’innovations visent à préparer le futur. L’intégration présente des risques liés aux enjeux (créer ce qui n’existe pas) et à la complexité de la stratégie d’acquisition (combiner « interdépendance » et « autonomie »), mais aussi à l’absence assumée de résultats à court terme. Ainsi, pour conduire dans de bonnes conditions ce type d’intégration, il convient de :
- Développer des relations de coopération dans le cadre d’un système d’autorité unique aux mains de l’acquéreur : l’intégration n’est pas synonyme de gestion consensuelle. Si le succès de l’intégration repose sur les apports des deux firmes, il convient d’éviter les mécanismes qui conduisent au statu quo. Il est essentiel que le nouvel ensemble s’appuie sur un système d’autorité unique clair, à savoir dans le cas présent celui de l’entreprise acheteuse.
- Respecter les différences culturelles et organisationnelles : pour éviter les risques d’une destruction éventuelle des ressources de l’entité acquise, l’intégration doit démarrer par une action de prévention destinée à préserver les différences culturelles et organisationnelles des entités, et plus particulièrement celle de la société acquise.
- Faire preuve de compréhension, en étant ouvert aux qualités de l’autre : Une manière de favoriser cette compréhension peut consister, au-delà des réunions de groupe, à renforcer la connaissance des activités, en transférant des personnes clés entre les deux sociétés.
- Mettre en avant un problème d’intérêt général cohérent, qui permette de fédérer les deux parties : l’intégration repose sur un élan, un mouvement sur lequel doivent se développer des initiatives et une adhésion globale au projet. Pour y parvenir, il est essentiel que la collaboration entre les deux entités, au-delà de la réalisation des synergies, repose sur le traitement d’un problème d’intérêt supérieur, de nature à impliquer l’ensemble des collaborateurs. Il s’agit de mettre en avant un problème réel et légitime qui engage l’avenir du nouvel ensemble et par voie de conséquence les deux organisations.
- Légitimer les apports l’entité acquise : l’acquéreur doit assumer ses responsabilités et donner sa vision de la situation et les insuffisances relevées pour mener à bien le projet. C’est à cette condition qu’une véritable collaboration entre les parties peut être possible et déboucher sur des initiatives fortes notamment de la part des membres de la société acquise.
Au-delà de ces principes, il convient d’admettre que ce type d’intégration demande d’accepter les erreurs, voire certains échecs. L’esprit d’ouverture et la persévérance sont essentiels à la réussite du projet.
Pour valoriser une opération d’acquisition, la préparation est essentielle car la politique d’intégration va rarement de soi. Elle dépend avant tout des objectifs poursuivis par l’acquéreur (intégration verticale, diversification, internationalisation, innovation stratégique…). Maîtriser un processus d’intégration post-acquisition demande à la fois rigueur et attention, en veillant notamment à bien articuler les enjeux de l’opération et le mode d’intégration adéquat. C’est à cette condition que l’acquéreur pourra espérer favoriser le succès de l’opération et en optimiser la création de valeur.